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IA, accélération, productivité, travail… fracture ?

Dernière mise à jour : 17 févr.



IA, accélération, productivité, travail… fracture ?
IA, accélération, productivité, travail… fracture ?

Durant cette semaine de célébration de l’Intelligence Artificielle, où « les décideurs », politiques et entrepreneurs, se répandent sur ses bienfaits, les progrès spectaculaires que l’on peut en attendre dans tous les domaines (économie, santé, industrie, …), d’autres voix s’élèvent pour nous mettre en garde sur un certain nombre de risques : appauvrissement de la pensée (Gaspard Koenig), substitution de certains emplois (économistes), augmentation de la consommation d’énergie, …


Parmi les réflexions positives sur l’IA, je lis souvent « L’IA ne remplace pas l’humain, elle l’augmente : utilisée à bon escient, elle libère du temps pour des missions à plus forte valeur ajoutée »


Partant de cette assertion, et loin d’un scepticisme ou d’une aversion quelconque aux technologies, je vous livre quelques réflexions pragmatiques sur le sujet, notamment sur les conséquences sur le travail :

Imaginons, que vous travaillez dans le secteur des services et que vous produisez actuellement 1000 unités de valeur sans aide.



Evolution de la répartition de la valeur produite par l'humain et l'IA
Evolution de la répartition de la valeur produite par l'humain et l'IA

 

La première année, l’IA vous décharge de 10% de votre travail et prend donc en charge 10% de la valeur produite (100 unités de valeur).

En admettant que l’IA par ses progrès phénoménaux, vous décharge de 10% de vos tâches chaque année, la machine prendra à son compte progressivement un peu de votre valeur produite jusqu’à potentiellement, en année 10, prendre 90% de la valeur.

La valeur votre travail que vous faisiez il y a 10 ne vous sera imputable qu’à hauteur de 10% !!!!!

 Plusieurs conséquences possibles et logiques émergent alors :

·       On va se rendre compte assez vite que la machine a augmenté considérablement la productivité. Les 10 personnes qui, comme vous produisaient 1000 unités de valeur vont être réduit à 1 personne dont le rôle sera de piloter la machine. La valeur « produite et imputable » pour cette personne restera à 1000. Votre rémunération restera identique, quand les 9 autres personnes devront trouver une autre activité.

·       Pour compenser les 90% qui ne vous seront plus imputables, vous pourrez aussi vous concentrer sur des tâches dites à plus forte valeur ajoutée, nous dit-on, c’est-à-dire en somme les 10% qui vous reste ! Il va falloir être sacrément inventif pour justifier que les 90% de vos taches qui vous ont été retirés par la machine soient compensés par du jus de cerveau, ou alors dans une multiplication par 10 de vos capacités à générer de la valeur.

·       La probabilité que vous puissiez convertir les 90% pris par la machine en une diminution du temps de travail pour vos loisirs restera marginal, soyons en conscient dans le monde que nous vivons.


 En se replongeant sur l’histoire du travail et notamment l’évolution du secteur primaire, le parallèle que l’on pourrait tracer est saisissant. Pour avoir côtoyé quelques peu une coopérative, le métier d’agriculteur s’est transformé pour devenir celui d’un chef d’entreprise connecté sur les cours mondiaux du maïs ou du blé pour vendre sa récolte au meilleur moment. La marche est haute en termes de montée en compétences et n’est pas accessible à tout le monde. Si le secteur agricole ne représente déjà plus que 2% de la population, seul quelques happy few qui ont su prendre le virage s’en sortent.

Un deuxième effet est une dévalorisation des métiers puisqu’une grande partie de la valeur qu’on accordait à l’humain sera remplacée par la valeur qu’on accordera à la machine. La reconnaissance du geste, du savoir-faire, de la capacité d’aller chercher, trier va se transformer et s’appauvrir dans notre représentation de la valeur apportée.


François-Xavier de Vaujany nous dit par exemple dans un post du 14/01/2025, parlant des consultants : « Peut-on payer au même niveau qu’hier des heures ou un forfait, dans des univers où l’IA générative se multiplie ? ». Les consultants devraient, puisqu’ils utilisent l’IA facturer leurs prestations sur 2 lignes : Une ligne travail humain, une ligne pour l’IA !!! reconnaissant d’un côté la valorisation des compétences mais de l’autre dévalorisant les actes de recherche et autres, assistés par la machine. De l’augmentation de la productivité dans le secteur des services découlera aussi sur un plan économique une baisse tarifaire de la valeur produite. Il va falloir produire plus, chers collègues, pour compenser le CA comme dans les univers de produit (cf. la fameuse courbe du prix des magnétoscopes) ! Le même raisonnement pourrait prévaloir aussi pour les chercheurs, enseignants, … dans la préparation de leurs cours, la correction des copies, l'écriture d'articles…etc. pour faire plus d'heures d'enseignements ! Non ?

Et c'est là un troisième effet : l'augmentation de la "production". Si le prix baisse, il faut compenser par plus de production pour générer et maintenir au moins la même base de valeur. Une nouvelle fois accélération.


 L'IA qui redéfinit le Travail

L’IA n’est pas seulement un outil de productivité ; elle représente un moteur puissant dans une dynamique d’accélération continue comme le décrit si bien Hartmut Rosa [Accélération – une critique des temps modernes]. Les révolutions industrielles passées ont remodelé nos sociétés, et l’IA constitue une nouvelle lame de fond avant que la suivante, déjà annoncée (l’avènement des ordinateurs quantiques), ne pousse ces dynamiques à des niveaux sans précédent.

La problématique majeure réside dans le fait que ces accélérations imposent un rythme de plus en plus rapide auquel l'humain peine à s'adapter. L’écart croissant entre l'innovation technologique et les capacités humaines d’adaptation vont créer une fracture sociale, avec des individus qui ne parviendront pas à suivre le rythme.


L’IA et la réflexion sur l'avenir du Travail

L’IA a un potentiel immense pour améliorer la productivité, mais elle pose aussi des défis majeurs. Si l’accélération technologique permet une augmentation spectaculaire des performances humaines, elle va entraîner également une série de conséquences sociales et économiques : une mutation des emplois, une redéfinition de la valeur du travail humain, et des inégalités croissantes entre ceux qui peuvent s’adapter à ce changement rapide et ceux qui n’en n’auront pas les moyens.

Il est crucial que nous commencions (sereinement ?) à réfléchir sérieusement aux implications de cette transformation. Comment redistribuer les gains de productivité ? Comment accompagner les individus et les communautés face à cette accélération constante ? Et surtout, comment préserver l'humain dans un monde où les « machines » seront de plus en plus centrales ?

Il devient essentiel de prendre en compte ces transformations pour bâtir un avenir plus équitable et durable et c’est bien l’objet des quelques voix qui s’élèvent pour nous en alerter.

 

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